• Témoignage au procès des faucheurs volontaires à Chartres le 8 avril 2008

    Procès de faucheurs volontaires poursuivis pour avoir
    « volontairement détérioré ou dégradé un bien, en l'espèce une parcelle de maïs génétiquement modifié, au préjudice de la société Monsanto ».
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Témoignage de Jean-Marie MULLER


    Porte-parole national du
    Mouvement pour une Alternative Non-violente
    (MAN)
    <o:p> </o:p><o:p></o:p><o:p> </o:p>Monsieur le Président,
    Mesdames,
    <o:p> </o:p>J'ai la conviction que les prévenus qui comparaissent aujourd'hui devant votre tribunal ne sont pas des délinquants, mais des dissidents. Et la grandeur de la démocratie, c'est précisément de ne pas traiter des dissidents comme des délinquants. La grandeur de la démocratie, c'est de ne pas criminaliser la dissidence, mais de la reconnaître comme l'expression de la liberté de citoyens qui entendent exercer pleinement leur responsabilité de citoyens. La grandeur de la démocratie, c'est de reconnaître le droit à un civisme  de dissentiment.
    Á l'évidence, et je suis sûr que vous le reconnaîtrez sans peine, les prévenus n'ont pas agi pour défendre leurs intérêts personnels, ni aucun autre intérêt particulier. S'ils ont pris les risques de la désobéissance civile, c'est manifestement pour défendre l'intérêt général.
      Ils ont certes désobéi à la loi, mais ils ont désobéi à la loi avec la conviction que celle-ci ne remplissait plus sa fonction qui est d'assurer la sécurité des citoyens, et cela dans des domaines extrêmement importants comme ceux de l'alimentation et de l'environnement.
    Il est vrai que sur la question des risques liés à la culture en plein  champ des OGM, les scientifiques ne sont pas d'accord entre eux. N'étant pas moi-même un scientifique, comment le citoyen que je suis pourrait-il les départager ? Et pourtant je dois faire un choix, car je suis embarqué. Chacun de nous doit faire un choix, car chacun de nous est embarqué. Je crois pouvoir raisonner ainsi : si les scientifiques qui affirment que les dangers existent se trompent, ce n'est pas grave. Si je les écoute, il n'en résulte aucune conséquence néfaste pour ma santé et celle de mes enfants. Mais si ce sont ceux qui affirment que les dangers n'existent pas qui se trompent, c'est extrêmement grave. Si je les écoute, il en résulte des conséquences néfastes pour ma santé et celle de mes enfants. Donc la sagesse, c'est-à-dire la prudence, me demande de penser par précaution que les dangers existent.
    Les citoyens que nous sommes sont donc en droit d'exiger d'être protégés contre ces dangers potentiels. Dans la mesure où la loi n'est pas garante de cette protection, elle n'est plus garante du droit. Dès lors que les moyens légaux pour faire changer la loi s'étaient jusqu'alors avérés inopérants, la désobéissance civile est apparue aux prévenus comme une nécessité.
    Certains ont prétendu que c'était une action violente d'arracher un pied de maïs. En réalité, les faucheurs volontaires ne font qu'anticiper le fauchage de la récolte. Il est en effet  dans le destin d'un pied de maïs d‘être arraché. Est-ce tragique pour un pied de maïs de devoir être arraché ? J'imagine que le maïs n'a pas le sens de la tragédie.
    Les prophètes de notre antiquité ont prophétisé le temps où les épées seraient transformées en faucilles et où les hommes, plutôt que de faire la guerre, faucheraient pacifiquement des plantes non génétiquement modifiées. La faucille est donc bien une arme de paix.
    Il importe ainsi d'établir une claire distinction entre ce qui est légal et ce qui est légitime. Cette distinction permet d'affirmer qu'une action illégale peut être légitime. Je pense que c'est précisément le cas pour le délit que vous devez apprécier aujourd'hui.
    L'idée que je me fais de votre haute fonction, c'est qu'elle n'est pas tant de faire respecter la loi que de faire respecter le droit. Vous le savez bien, le respect de la loi n'est pas un absolu, seul le respect du droit est un absolu. Dans l'histoire de toutes les sociétés, y compris de la nôtre, il y a eu des moments où pour respecter le droit, il fallait désobéir à la loi. C'est pourquoi votre décision de relaxer les prévenus serait de votre part un geste fort à l'intention du législateur afin qu'il prenne les dispositions requises par le principe de précaution qui, en la matière, est un impératif catégorique.
    Votre tribunal est libre de sa jurisprudence. C'est pourquoi  le citoyen que je suis attend votre jugement avec la plus grande confiance.
    Permettez-moi, Monsieur le Président, de conclure par cette citation du grand écrivain Georges Bernanos : « Il faut beaucoup d'indisciplinés pour faire un peuple libre. » Je voudrais remercier les prévenus pour leur indiscipline, car je pense précisément qu'elle renforce la liberté de notre peuple et, par voie de conséquence, la liberté de chacun d'entre nous.
    Je vous remercie de votre attention.

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :